L’hiver au printemps

Si en 2019, l’attaque avait été sévère, cette année, elle a débuté encore plus tôt et semble avoir pris de l’importance. Les chenilles défoliatrices sont en train de réduire les chênes à l’état de squelettes. Dans certains endroits, on a l’impression d’être en hiver tellement les chênes ont été dépouillés par ces bestioles indésirables qui mangent avec voracité les feuillages. Même les chênes verts aux feuilles réputées pourtant coriaces ne sont pas épargnés par ce déprédateur.

Dans les années 1930, on a connu deux années consécutives de ravage des plantations truffières par les chenilles défoliatrices. Parmi les anciens, certains y voyaient une des raisons du déclin de la production truffière après la grande guerre. On saura au printemps prochain si les brûlés des arbres dépouillés ce printemps auront ou non disparu. La question sera tranchée sur l’importance de la photosynthèse pour la nutrition carbonée de la truffe. Les travaux de l’INRA de Nancy ayant montré que la truffe se nourrissait à partir des sucres de la photosynthèse jusqu’à l’automne, on saura si l’absence de fonction chlorophyllienne autorise ou non la naissance et la croissance de truffes noires.

Que faut-il faire ? Tant que la perte du feuillage se limite à une partie de l’arbre, on peut penser qu’elle équivaut à une taille sévère de celui-ci. Les mésanges sont très présentes parmi les arbres infestés mais le bénéfice de leur action sera limité. Le traitement envisageable est le Bacillus thuringiensis souvent abrégé BT, insecticide le plus utilisé au monde en agriculture biologique. Mais quand l’arbre est presque à nu, c’est trop tard.

Le président du Syndicat des trufficulteurs de la région de Lalbenque, Alain Ambialet, a pris son bâton de pèlerin pour sensibiliser les élus et envisager une lutte à une échelle globale. Le fait est que, dans l’économie du territoire, la truffe peut passer au second plan. Mais on observe déjà que les chenilles s’attaquent aux arbres fruitiers. Que se passera-t-il si elles se mettent à dévorer le vignoble ? Aujourd’hui, les trufficulteurs sont très inquiets face à cette épidémie qui n’impose pas le confinement. L’avenir nous dira si l’on va les aider à combattre l’invasion ou s’il va falloir attendre les dégâts collatéraux chez les arboriculteurs et viticulteurs.

Chenilles défoliatrices sur chêne vert

Pierre Sourzat